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MON HISTOIRE

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Mes ancêtres m’ont appris à aimer l’agriculture.

Le travail à la ferme (et pas que).

Au retour, je deviens salarié de l’exploitation et je reprends progressivement les parts. La période d’activité est stable et relativement confortable mais on ne peut pas se payer trois salaires (celui de mes parents et le mien) alors en parallèle, je développe une activité de Travaux Publics et de terrassement. Ça me prenait du temps, c’était pas mon projet mais fallait bien travailler ! En 2005, je reprends l’exploitation avec l’envie de réadapter nos pratiques et de moderniser, je suis encore dans un schéma conventionnel.

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Quête de sens

Cinq ans après, vers 2010, je ne trouve plus de sens à pratiquer mon métier d’agriculteur céréalier, ce métier que j’ai toujours voulu faire commence à ne plus me convenir, je suis devenu

à la fois chimiste – dépendant des produits phytosanitaires –

et trader. Le soir, je me demande : je vends ou je vends pas ?

à regarder les cours des céréales pour maximiser ma rentabilité. Ce que je fais n’a pas de logique, je suis ultrasollicité

et submergé par le travail et pourtant je ressens une forme d’ennui dans l’action, un certain mal-être.

Je m’emmerde sans vraiment savoir pourquoi.

À cette époque, dans une profession soi-disant libre, on ne l’était pas. Le seul mot d’ordre, c’était remplir un bon de commande. Je me souviens, une fois par an, c’était « programme blé », le technicien nous faisait cocher : tant de semences, de fongicides, d’insecticides, d’engrais… il repartait avec notre « ordonnance » et on attendait un camion plein de palettes avec les instructions : à telle date, tu mettras ça à telle dose. J’agis sans réfléchir car la promesse, c’est de pouvoir faire plus de rendement. Je suis devenu un « modèle » de l’agriculture conventionnelle, j’ai une « belle » exploitation avec de grandes surfaces, un matériel techniquement très abouti… mais je ne m’y retrouve plus, ça me percute vraiment.

À l’époque, le bio est encore mal vu, il y a peu de soutien dans le monde agricole. Pour moi, c’est un sacré cap à passer car c’est aussi remettre en cause l’œuvre de mes ancêtres, la reconnaissance sociale acquise, le progrès technique…

Enfant, j’aimais jouer dans les bottes de paille et avec les vaches. Tous les mercredis, les samedis, j’étais sur le tracteur avec mon père ou mon grand-père. Ils m’ont transmis le goût du métier. Après les études (j’ai fait un BTA à Saintes et un BTS à La Roche-sur-Yon), je suis parti en Australie. Il fallait faire un stage à au moins 50km de l’exploitation, je n’ai pas hésité, c’était l’étranger et le plus loin possible !  J’avais envie de découvrir un pays loin de mes codes avant de revenir, je savais que ce métier d’agriculteur me demanderait de l’ancrage et de l’engagement. J’ai été accueilli dans une exploitation céréalière et polyculture-élevage à 500km de Perth.

 Dans ce western australien, j’étais le Frenchy du village ! Ça a été ma bulle d’air entre les études et le service militaire qui m’attendait, avant de retourner à la ferme. Là-bas, j’ai découvert des agriculteurs rudes à la tâche mais qui savaient aussi tout arrêter pour garder une activité sociale. Ils avaient un regard différent sur la nature, le climat, cette expérience

m’a ouvert les yeux sur d’autres possibles.

Le passage en bio,
c’est avant tout
des rencontres.

Je commence par faire venir un technicien bio puis je me rends à une réunion à la CAVAC, la coopérative agricole en Vendée, je rencontre d’autres agriculteurs bio, ils ont tous la banane, le sourire, un discours. J’ai envie de parler comme ça, d’être avec eux, d’être des leurs. Ils ne critiquent pas le conventionnel dont ils sont tous issus, ils comprennent. 

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Je continue d’explorer au Salon Tech&Bio à Valence, je prends des infos qui me confortent dans mon élan. Dans un bus qui nous amène visiter une ferme en bio, je discute avec mon voisin, un éleveur belge, je lui demande – vous êtes contents ? Et il me répond : oui ! pourquoi on n’a pas fait ça plus tôt ! on avait une ferme ultrasophistiquée mais on allait droit dans le mur, les vaches étaient tout le temps malades… on a tout repassé en prairie et en vente directe. On est bien plus heureux !

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Je réalise à ce moment-là que me convertir au bio, c’est aussi un changement de regard sur mon métier, un changement de vie.

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En 2016, je reprends une terre agricole cultivée en conventionnel à Nieul-sur-mer et je la passe intégralement bio avec une partie de mes terres, soit 80 hectares. En 2017, je cultive en mixte (une partie conventionnelle et une en bio) et là : je vois bien que je n’arrive pas à avoir cette démarche. Je n’arrive pas à pratiquer les deux. C’est une distorsion terrible.

À côté, je continue mon activité de Travaux Publics et de rénovation des bâtiments de la ferme. Ça fait beaucoup.

Cette même année, le cousin de mon père part à la retraite, je reprends ses 180 hectares et je convertis tout en bio. L’année suivante, j’arrête l’activité de TP pour me dédier au travail de l’agriculture biologique qui me demande un investissement total.

Au départ, je veux cultiver comme en conventionnel. J’ai été programmé à répondre à des notions de rentabilité et de modernité, je crains le retour en arrière alors j’investis dans du matériel performant. Mais entre 2016 et 2018, je fais face aux aléas climatiques. Je stagne pendant les trois années de conversion. Je peux le dire aujourd’hui, j’ai vécu une période de désenchantement, de désœuvrement.

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Contre vents et marées

J'ai tenu bon et j’en ai tiré des leçons.

Au début, j’ai fait plein d’erreurs, tout le monde apporte son point de vue et j’écoute tout. Je cherche à faire 100% de culture de vente comme en conventionnel. Je découvre que ce n’est pas possible. Cultiver en bio, c’est accepter de mettre une grande partie de ce que l’on a appris à la poubelle pour réapprendre. Un jour, un technicien bio – Guy Marionneau, que je ne remercierais jamais assez – vient sur l’exploitation, je lui montre un champ de tournesols à peine nés et déjà crevés. Je lui dis – je ferais mieux de faire pousser de l’herbe, ça me coûterait moins cher et sa réponse va changer le cours des choses : – autrefois, on faisait comme ça, vas-y essaie. Je décide d’écouter mes intuitions et de passer 25% en prairie pour régénérer mes sols. C’est aussi à cette période que germe l’idée de transformer mes céréales. Il est temps de m’y mettre, de construire un projet que personne d’autre ne me met entre les mains.

Dans mes mains, ma liberté

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Il m’a fallu cinq ans pour me déformater. La première fois que j’ai semé du blé non traité, j’en étais malade, je me souviens de la sensation que ça me produisait, j’en avais mal au ventre. Le blé, il n’était pas rouge, il était nature. J’avais peur qu’il ne se passe rien. Le bio, c’est un vrai défi, un pari, ça me demande au quotidien du lâcher-prise. Devenir agriculteur bio, c’est accepter de sauter dans le vide, dans l’inconnu. Mais c’est aussi : une liberté. Aujourd’hui, j’ai retrouvé ma liberté de penser et d’agir.

 

Être agriculteur bio, ça demande de l’observation, de l’adaptation, de l’acceptation.

 

C’est une autre contribution, une évolution résiliente avec des cycles longs : on fait un essai et on a le résultat six mois à un an plus tard. C’est une prise de risques permanente. Je ne me focalise plus sur la quantité à produire, je cherche à comprendre mes terres, à sécuriser l’assolement et ma production et surtout à régénérer mes sols. On ne pourra pas tempérer les effets du climat et maintenir une qualité alimentaire sans prendre en compte la qualité des sols. C’est le point de départ de tout.

 

Aujourd’hui, j’ai la sensation d’être redevenu un agriculteur, un cultivateur qui n’exploite plus ses terres mais qui les explore.

 

Je remplis les fonctions qu’un agriculteur devrait avoir : développer une activité économique qui permet d’obtenir des végétaux utiles à l’Homme, pour son alimentation, une activité économique avec une logique environnementale, écologique en symbiose avec le cycle végétal tout en préservant aussi le paysage. C’est une grande joie de regarder certains de mes champs recouverts de prairie, pour les laisser au repos, en jachère afin de leur donner les meilleures chances de se régénérer.

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Chaque exploitation est unique, alors ma devise : c’est d’essayer, essayer de faire mieux, de faire bien.

Mots de Sophie Petit.

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